Cameroun : Les riveraines de l’usine à gaz de Logbaba aux abois
Ce projet d’envergure basée dans la ville de Douala, a été conçu dans l’ignorance des intérêts de la société camerounaise.
Le projet d’exploitation du gaz de Logbaba est en ce moment, au centre d’une controverse qui ne cesse d’alimenter les tensions sociales. Ce projet est appelé, Projet Gaz de Logbaba parce qu’en 1957, Logbaba était le terminus de la voie ferrée. Et la société ELF qui menait les travaux d’exploration sur le site gazier, utilisait le chemin de fer pour acheminer son matériel. En réalité, les installations du projet d’exploitation se trouvent à Ndogpassi plus précisément au lieu-dit Logmayangui. On apprend que c’est en 2001, qu’un permis d’exploitation gazière a été délivré au groupe britannique VOG (Victoria Oil and GAS), à travers sa filiale Rodeo Development Limited sur une superficie estimée à 20 km2. Le site gazier se trouve en plein cœur du quartier Ndogpassi à Douala. Dans cette zone de la capitale du Littoral abritant 130.000 âmes, le gisement gazier a été découvert en 1957. VOG opère dans les domaines d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures en Afrique et FSU. Ses principaux actifs sont de 95% de parts dans le projet de gaz de Logbaba.
Victoria Oil and Gas détient 100% des projets de gaz et pétrole installés à l’ouest de Medvezhye en Russie. Depuis le 02 juillet 2011, VOG est l’actionnaire principal du projet d’exploitation de gaz de Logbaba. Le groupe RSM Production Corporation qui détenait 38% des parts dans le projet et qui avait la charge de diligenter certaines affaires mégalo-opérationnelles s’étant retiré, Victoria Oil and Gas a pour coactionnaire dans le projet, la Société Nationale des Hydrocarbures en abrégé SNH. La SNH détient 5% des parts dans le projet d’exploitation de gaz de Logbaba. Les travaux d’exploration liés au projet ont débuté en juin 2009. Ils se sont achevés en 2011, avec la signature par le président Paul Biya au mois d’avril, du décret 2011/112 l’autorisation d’exploitation à la société Rodeo. Ce gisement d’envergure doit être exploité pendant 25 ans avec en option la possibilité, de poursuivre l’activité extractive sur le site durant 15 années supplémentaires. Dès l’entame de la phase exploratoire du projet, des dérapages ont été enregistrés. La législation camerounaise en ce qui concerne l’activité extractive industrielle a été foulée au pied.
Le projet d’exploitation de gaz de Logbaba, a été lancé sans certificat de conformité environnementale. Rodeo a procédé en 2009, aux premiers travaux de forage sur le site gazier. Précisons que l’opération s’est déroulée en violation de la législation en vigueur. Et c’était au lendemain de la réunion d’information des populations, par rapport à la mise en exploitation du gisement gazier de Logbaba. En septembre 2009, des audiences publiques ont eu lieu parce que les riverains se sont révoltés. Ces audiences avaient pour but, de présenter l’étude d’impact environnemental du projet de Logbaba. Les rares riverains qui étaient au total 207, n’ont pas pu émettre des avis objectifs sur le projet. Les documents soumis à leur attention étaient libellés en anglais. Pourtant les populations sont de souche francophone. A ceci, il faut ajouter la non-maîtrise par les populations, des connaissances liées aux projets gaziers et à leur impact sur l’environnement. Au départ, les ménages et les biens affectés par le projet gazier de Logbaba n’ont pas été répertoriés.
C’est en mai 2009, que la Commission de Constat et d’Evaluation (CCE) a dressé un répertoire. Et ce, en violation de la législation et des dispositions de l’étude d’impact. Les dispositions stipulaient qu’avant toute activité exploratoire sur le site, que les familles habitant le périmètre de sécurité soient évacuées. Il fallait procéder à cette opération pour éloigner les populations des explosions, des tremblements de terre, des difficultés d »accès aux chaumières, de la température élevée et des caprices des différents réseaux d’approvisionnement en eau et électricité. Les enquêtes visant à identifier et à évaluer les biens à détruire, se sont effectuées dans le mépris des règles en vigueur. Cela a été fait à dessein dans l’optique d’amener les ménages, à proposer des pots de vins aux agents de la CCE. C’est ainsi qu’on s’est retrouvé avec des biens tantôt sous-évalués, tantôt surévalués. Les montants des indemnisations ont été arrêtés sur la base de l’action de la Commission de Constat et d’Evaluation.
Dans le décret d’indemnisation de 2012, on relève que les montants alloués aux biens à détruire, ne correspondent pas à la réalité. Le Centre d’Action pour la Vie et la Terre (CAVT) s’en est plaint auprès de la Commission Nationale Anti Corruption en abrégé CONAC. Mais curieusement, la CONAC est restée muette. Complicité ou négligence? En septembre 2012, une enquête a été initiée par le gouverneur du Littoral et le préfet du Wouri. On attend toujours les résultats de cette enquête. Le déplacement des populations a été effectué dans la violence. En avril 2013, les chefs de familles se sont retrouvés dans les services du préfet du Wouri. Les autorités les ont poussé à signer des documents, sans avoir eu le temps de consulter leur contenu. Tous ceux qui ont essayé de s’opposer à cette pratique, ont été purement et simplement jetés dehors par les forces de l’ordre. A l’issue de cette honteuse opération, des enveloppes minables ont été distribuées. Courroucés par les indemnisations jugées injustes et inéquitables, certains chefs de familles ont refusé de quitter leurs habitations. C’est la descente musclée du Bataillon d’Intervention Rapide (BIR), qui les a poussé à capituler. D »après des témoins, les agents de ce corps d’élite de l’armée camerounaise se seraient livrés à des actes de viol public. Malgré ces pratiques, les membres de la famille Nami ont continué la résistance. Le plan de développement local n »a pas été pris en compte dans le projet d’exploitation du gaz de Logbaba. A quoi sert un projet s’il n’intègre pas la notion d’intérêt commun?